Le four à bois de Sèvres
Un événement exceptionnel
Tous les 5 ans, l’allumage du plus grand des six fours à bois originaux de la Manufacture, pour une cuisson traditionnelle de grand feu, donne lieu à un événement exceptionnel rassemblant les artisans, les artistes et le public autour d’une pratique datant des origines de la longue histoire des savoir-faire de Sèvres.
Cette cuisson spectaculaire est un moment rare de conservation et de transmission des techniques associées à la pratiques ancestrale des arts du Feu. Elle est aussi devenue une occasion toute particulière d’inviter des artistes à participer à ce moment exceptionnel de tradition en leur confiant une carte blanche pour imaginer et réaliser des décors inédits pour les objets qui feront partie de l’unique fournée de chaque édition.
À la suite de Nicolas Buffe, Philippe Cognée et Barthélémy Toguo pour les précédentes cuissons, ce sont Annette Messager, Hélène Delprat et Ulla von Brandenburg qui ont été invitées, pour la plus récente édition de novembre 2021, à créer des œuvres sur des formes de vases issues du répertoire de Sèvres.
Appliquée directement sur le vase de porcelaine encore poreuse, la peinture posée au pinceau pénètre immédiatement la surface et les artistes n’ont ici pas droit au repentir. Après les interventions de chacune, il aura fallu cette fois 33 heures de cuisson à près de 1300°C et environ un mois de refroidissement progressif avant d’ouvrir enfin la porte du four pour découvrir le résultat tant attendu de toute l’opération.
Une technique traditionnelle
Construits en 1877, lors de l’édification du site actuel de la Manufacture, les 6 fours à bois de Sèvres - s’élevant chacun sur deux niveaux - n’avaient plus été utilisés depuis 1968. Après sa restauration en 1990 et sa remise en fonction, le plus grand four (9 mètres de haut) a été rallumé en 1999, 2006, 2016 puis en 2021.
Si les cuissons courantes à haute température à la Manufacture sont désormais réalisées dans des fours à gaz, il demeure en effet essentiel d’entretenir cette technique traditionnelle de la cuisson au feu de bois, qui permet la transmission et la conservation d’un savoir-faire unique, et dont la capacité du four autorise seule la cuisson de pièces exceptionnelles de plus d’un mètre de hauteur.
En briques, le four à bois de Sèvres se compose d’un laboratoire de cuisson (12 m3), d’un globe, d’une sole munie de carneaux (conduits), de quatre alandiers (foyers) et d’une cheminée. Pour chaque opération de cuisson, ce sont 20 stères de bois qui sont nécessaires. Produisant une flamme longue et claire et faisant le moins de cendre, c’est le bois de bouleau qui est le plus adapté à cette opération.
La cuisson s’opère en deux phases : la phase de petit feu (jusqu’à 700°C/900°C) et la phase de grand feu (jusqu’à 1 280°C/1 380°C). Elle est conduite en flamme directe jusqu’à 180°C environ. Les moyens de réglages possibles pendant le grand feu consistent en la fermeture ou l’ouverture de l’alandier (foyer), par le mouvement d’une plaque ; ou bien le réglage des quatre registres opérant les quatre cheminons (conduits).
Devant des regards – percées dans la paroi permettant de voir la chambre de cuisson et obturées de plaques amovibles de mica – sont placées des « montres-fusibles » étalonnées, correspondant aux différentes températures et dont la pointe s’affaisse à chaque palier. Ce moyen de contrôle, inventé à la Manufacture au XIXe siècle, est accompagné de couples thermoélectriques en platine, qui transcrivent la température sous forme de diagrammes (courbes de cuisson).
La cuisson est arrêtée lorsque les montres sont tombées devant les quatre regards du four et que l’enregistreur indique que la température voulue est atteinte. Au terme de la cuisson, le refroidissement naturel d’au moins trois semaines permet d’éviter tout choc thermique et maintien le suspens unique qui précède chaque ouverture et chaque défournement associé à cette technique ancestrale.