Les pâtes de porcelaine
Sèvres est l’une des toutes dernières manufactures d’Europe à fabriquer, à partir de matières premières brutes, ses propres pâtes de porcelaine à l’atelier du « moulin ». Il existe désormais 4 pâtes différentes, mises au point successivement au cours des trois siècles de notre histoire et toujours utilisées :
La pâte tendre (ou PT) : Après de premiers essais concluants à Florence sous les Médicis pour reproduire la porcelaine de Chine dont la composition est alors encore inconnue en Europe, les tests reprennent à Saint-Cloud à la fin du XVIIe siècle. C’est en 1740 à Vincennes, commencement de la Manufacture de Sèvres, que l’on parvient à produire en France une porcelaine satisfaisant aux exigences de blancheur et de translucidité, mais encore sans le kaolin (argile de base de la porcelaine dure) qui en garantira la dureté. Remarquable par sa teinte chaude et sa délicatesse, elle est toujours utilisée à Sèvres pour réaliser les objets du répertoire XVIIIe, ainsi que pour certains projets contemporains de collaboration, pour des objets de petite dimension.
La pâte dure ancienne (ou PD) est la véritable porcelaine composée de 70% de kaolin et fabriquée à partir d’une formule établie par la Manufacture de Sèvres vers 1770. Basée sur le principe de la porcelaine de Meissen, la porcelaine dure doit son existence à la découverte de kaolin dans la commune de Saint-Yrieix en Haute-Vienne. Sa composition riche en kaolin donne à la pâte dure cuite un blanc plein, tirant vers les tons froids, et lui confère une bonne tenue au feu. La pâte dure est plus difficile à façonner mais s’accorde avec le mélange composant le bleu de Sèvres.
La pâte dure nouvelle (ou PN,) est composée de 45% de kaolin et mise au point à la Manufacture de Sèvres vers 1882. Sa formulation est le résultat d’un désir profond de changement d’orientation artistique à Sèvres à partir du milieu du XIXe siècle. Les couleurs vives des émaux venus de Chine ne sont pas applicables sur pâte dure et nécessitent alors la mise au point d’un nouveau type de pâte de porcelaine. Sa composition, identique à celle des porcelaines chinoises, est solide comme la pâte dure mais permet cette fois d’y appliquer des couleurs transparentes et vives. Elle n’est pas aussi blanche et translucide que cette dernière mais se prête particulièrement aux décors de « grand feu ».
La pâte Antoine d’Albis (ou PAA) porte le nom du chef du Laboratoire de la Manufacture qui l'a mise au point en 1965. Mise en service à la suite de la découverte en Espagne d’un kaolin de belle qualité, sa composition est intermédiaire entre pâte dure ancienne et porcelaine nouvelle. Contenant 50% de kaolin, elle se cuit comme la pâte dure. Sa blancheur tenant vers les teintes froides a été largement employée par les artistes ayant collaboré avec la Manufacture.
À chaque pâte s’accordent ses émaux, ses couleurs et ses cuissons. La Manufacture, grâce à ses quatre pâtes de nature et de composition très diverses, peut ainsi déployer un large éventail d’expressions stylistiques.