Portrait de Camille à l'atelier du tournage
Quel a été votre parcours ?
Je travaille depuis 13 ans à la Manufacture de Sèvres. A l’origine spécialisée dans le domaine du design textile en arts appliqués, je ne me destinais pas à cette vocation de tourneuse. J’ai voulu intégrer la Manufacture car je souhaitais avoir un rapport direct avec la matière, le tournage de la porcelaine permet cette spontanéité. A Sèvres j’ai intégré un collectif où chaque artisan transmet son savoir-faire.
Ici, le patrimoine des gestes et des techniques est au service de la création d’œuvres. La transmission c’est le trésor de Sèvres, Vincent Lallier, mon maître d’apprentissage m’a inculqué cet esprit. C’est ainsi que je suis devenue la première femme tourneuse de toute l’histoire de la Manufacture.
Pourriez-vous décrire votre goût pour la porcelaine ? Comment est-il né ?
Mon goût pour la porcelaine découle de la passion que j’ai pour la matière. Tourner de la porcelaine exige d’avoir un rapport fort avec la pâte, un rapport au corps, pour la mettre en forme. Le métier exige une bonne capacité d’analyse des lignes et des courbes.
Pourriez-vous m’expliquer en quoi consiste le tournage pour vous ?
Être tourneur c’est justement cette capacité à façonner directement la matière sans médium, jouer avec la réactivité immédiate de la matière, adapter son corps par rapport à celle-ci. Tout cela est important dans la mesure où la pâte possède une mémoire. Chaque geste influe de façon permanente sur ses propriétés.
Selon vous, quelle est la qualité la plus indispensable à votre métier ?
Le plus important pour être tourneur à Sèvres, c’est cette capacité à lire la matière du bout de ses doigts, le fait de pouvoir se projeter dans l’espace pour percevoir à l’œil l’exactitude des lignes, la subtilité des courbes et des contre-courbes.
Quels outils utilisez-vous ?
Les outils que nous utilisons sont faits mains, car, pour chaque nouvelle forme à réaliser, les artisans doivent inventer des outils adéquats. Un tourneur de Sèvres est ainsi amené à tailler, à couper, à aiguiser des pièces d’acier, de bois ou même à utiliser des fanons de baleine. Au tournage, la mémoire et le passé de la Manufacture résident dans tous ces outils utilisés au fil des années depuis le XVIIIe siècle qui sont stockés et réutilisés.
Comment décririez-vous Sèvres ?
Sèvres, c’est pour moi un lieu unique où l’exigence te pousse dans tes retranchements. C’est aussi un bassin de transmission des savoir-faire riche de son histoire.
Quel est votre meilleur souvenir à la Manufacture ?
Mon meilleur souvenir à Sèvres, c’est lorsque j’ai pu travailler avec l'artiste coréenne Kim Soo-Ja et prendre part à la réflexion sur l’objet à réaliser. Ce sont ces collaborations directes avec les artistes qui m’ont fortement marquée. De même, j’ai beaucoup apprécié lorsque deux photographes, Tiziana et Gianni Baldizzone, ont réalisé un livre sur la transmission des gestes dans les métiers d’arts, se basant sur quatre ans d’enquête au sein de Sèvres à essayer de comprendre toutes les finesses de notre travail.
Quelle est l’œuvre que vous préférez à Sèvres ?
J’hésite entre Le coppe della filosofia de Michele De Lucchi et le Monolithe d’Emmanuel Boos.
Quelle est l’œuvre que vous préférez dans la collection de la boutique en ligne ?
Je préfère le vase Ruhlmann n°4, car il est très bien conceptualisé et intéressant à réaliser. J’aime beaucoup sa forme et le filet d’or pur qui vient la souligner.